The Canterbury Tales, in “Pasolini ou le mythe de la barbarie”, di Fabien S. Gerard

The Canterbury Tales in
Pasolini ou le mythe de la barbarie
de Fabien S. Gerard

Editions de l’Université de Bruxelles, 1981
Con una nota sull’argomento del saggio, la prefazione ed una nota sull’autore

Traduzione in italiano di Angela Molteni

The Canterbury Tales
Des les premières images, les Canterbury Tales, sortis en 1972, se présentent comme une variante anglo-saxonne du Decameròn, ce que vraisemblablement fut le livre à l’origine, et que Pasolini ne manque pas de rappeler lorsqu’il nous montre leur illustre auteur Geoffrey Chaucer prenant un plaisir évident à la lecture du chef-d’oeuvre inaugural de la prose italienne. L’atmosphère cependant a quelque peu changé, en fonction des latitudes et des mentalités: la fraîcheur et l’humidité ambiantes remplacent les touffeurs généreuses du Mezzogiorno; l’intimité s’abrite plus souvent au fond de chambres obscures et glacées; l’idée de la mort – impalpable – marque tous et chacun, tandis que le diable en personne sévit sur terre et que plusieurs des protagonistes finiront bel’ et bien par connaître les feux de la géhenne…
Oubliant délibérément la lettre afin de ne point trahir l’esprit, Pasolini n’hésite pas a «réinventer» l’une ou l’autre anecdote, telles ces frasques du fringant Peterkin, auxquelles il donne, en hommage au gentleman tramp, des allures ironiquement chaplinesques! Mais sur la route menant au tombeau du très saint martyr Thomas Becket, tous les pèlerins n’en sont pas moins fidèles au rendez-vous de l’auberge du Tabard, et le «Yeoman», la «Dame de Bath» ou le «Pardonneur» nous content avec force détails et redondantes explications, leurs édifiantes tranches de vie, où le surnaturel, la boulimie sexuelle et la scatologie la plus démystificatrice font partie intégrante de l’existence quotidienne.
Tournés entièrement dans les vieux quartiers de Cogeshall, Battle, Lavenham, Welles et Warwick, les Tales restituent la vivacité d’une Angleterre médiévale encore tout imprégnée de paysannerie, de même que les venelles tortueuses et escarpées de Naples laissaient croire a la pérennité de l’Italie de Boccace. Décors et costumes, inspirés de scènes de chasses ou de moeurs, font de malicieuses références à Bruegel et aux petits maîtres flamands et français des XIVe et XVe siècles, cependant que nous savourons la beauté sereine des matins insulaires, captée par l’oeil avide et exigeant d’un Pasolini caméraman, en ces instants de grâce fugitifs où le jeu du soleil et de la brume confère à la couleur des prés une luminosité incomparable.
Plusieurs chants populaires traditionnels, choisis sur place, constituent par ailleurs le fond sonore du film, et les interprètes – repérés pour la plupart dans la rue, en fonction de leurs caractéristiques physiques ou vocales – parlent avec l’aisance inimitable du langage de tous les jours: d’où ce mélange coloré de slang londonien et d’accents dialectaux gallois ou écossais, qui ajoute une note de vérité indispensable à la description de ce petit monde d’artisans et de marchands, de détrousseurs, de prostituées et de clochards. Apothéose visionnaire greffée en guise de conclusion au conte du «Semoneur», les Canterbury Tales s’achèvent sur l’évocation tonitruante et bigarrée d’un enfer peuplé de diables cornus et ailés, issu en droite ligne des compositions de Jérôme Bosch, où Satan lui-même expulse par les voies naturelles, une multitude de moines vénaux parmi les damnés promis aux flammes!
Outre quelques visages familiers du cinema britannique, comme Jenny Runacre, Hugh Griffith, Vernon Dobtcheff ou Michael Balfour, il convient de relever la présence significative de Joséphine Chaplin, ainsi que les compositions tout a fait savoureuses de Laura Betti dans le rôle de la rutilante «Dame de Bath», et du journaliste John Francis Lane (correspondant officiel du «Times» a Rome) dans celui du «frère mendiant»! Les habituels Franco Citti et Ninetto Davoli, pareils a eux-mêmes, assurent de leur côté – faut-il le rappeler – le lien stylistique des différents volets de cette bourdonnante trilogie.

Canterbury Tales 1

Le sujet
Cet essai s’attache à cerner l’image tout à fait originale de la «barbarie» telle qu’elle apparaît dans l’oeuvre du poète-cinéaste italien P.P.Pasolini. En parcourant les réalisations majeures de l’artiste, nous suivons le cheminement profondément cohérent d’une pensée en perpétuel devenir, marquée dans la douleur par l’emprise irrésistible de la civilisation consumériste occidentale sur l’univers archaïque paysan – ultime bastion de la sacralité, dépositaire privilégié des forces du passé, et unique porteur des germes d’un avenir aux dimensions de l’homme. Primordiale quant à l’intelligence de sa démarche éthique, celle position «corsaire» de Pasolini aboutit ainsi au subtil paradoxe d’un progressisme conservateur, proclamant sans relâche qu’il est aujourd’hui indispensable de savoir encore «regarder en arrière», si l’on veut réellement «aller de l’avant».
L’ouvrage, qui est présenté par l’écrivain Pierre Mertens, contient par ailleurs une traduction originale de trois des tout derniers textes dûs à la plume de Pasolini, ainsi que la bibliographie la plus complète à ce jour, parue en langue française.

Canterbury Tales 2 - La Donna Di Bath01

L’avant-propos
Pour bon nombre de gens, Pier Paolo Pasolini n’est avant toute chose qu’un nom, un nom lié à la mort, et pour être plus précis, a une mort scandaleuse, tragique, exemplaire; un fait-divers aussitôt stratifié par les commentaires équivoques – et souvent tendancieux – de l’ensemble des mass media.
On pourrait dire, en quelque sorte, que sa disparition a irrémédiablement pris le pas sur sa vie, l’effaçant, ou pire: la «contaminant» du même coup.
L’intérèt passionné que nous accordions depuis plusieurs années à son travail, ayant du reste entrepris la traduction – combien révélatrice – de l’un de ses ouvrages l’été qui précéda son assassinat, nous a incité dès ce moment à approfondir chaque jour davantage la connaissance de l’homme et de sa pensée, afin d’être à même d’en porter témoignage.
Une conscience «inquiète et obstinée»[1] qui le place au coeur même du débat culturel italien de l’après-guerre, fait de son discours un point de référence fondamental pour quiconque ressent les contradictions sous-jacentes de notre société et cherche à en déceler les multiples aliénations. Et si la notoriété du poète, ou plus encore du cinéaste, à quelque peu occulte, en dehors de son pays, le rayonnement de ses autres activités, n’oublions pas que la vocation protéiforme de Pasolini lui a permis d’intervenir pratiquement a tous les niveaux, et que rares sont les sujets qui n’ont été abordés par celui qui fut tout autant – et à part entière – romancier, essayiste, dramaturge, chroniqueur, polémiste, et même peintre comme l’atteste la recente exposition de ses toiles[2].
Face a un tel pouvoir d’expression, nombreux sont les pôles thématiques qui s’offrent à l’analyse; parmi ceux-ci, le recours permanent à une symbolique privée n’a pas manqué de longtemps nous fasciner, mais l’ampleur de l’argument et les diverses connotations techniques et linguistiques qu’il implique, nous auraient sans doute par trop écarté du cadre «initiateur» dans lequel nous tenions à inserire cet ouvrage. Aussi notre choix s’est-il porté, en définitive, sur un aspect plus spécifique de la personnalité pasolinienne, et, nous semble-t-il, primordial quant à l’intelligence de son oeuvre: le mythe de la barbarie.
«Le mot barbarie, je l’avoue, est le mot que j’aime le plus au monde»[3]. Par son évidence même, cette profession de foi exprimée voici quelques années par Pier Paolo Pasolini, continue à semer le trouble parmi ses proches, ses amis, ceux qui sont ses lecteurs attentifs, à tel point qu’elle ne peut aboutir qu’à un refus de leur part de lui voler l’exclusivité de ce terme choisi et récurrent, précieux entre tous, si ce n’est lorsqu’il s’agit – comme nous nous le proposons – de faire référence de façon explicite à sa démarche.
Précision indispensable – sinon capitale -, encore faut-il s’entendre dès le départ sur le sens qu’il convient de donner ici à cette expression ambigue s’il en est! A l’opposé d’une «barbarie de l’horreur» – fut-elle à visage humain – telle que la conçoivent notamment Bernard-Henri Lévy et les Nouveaux Philosophes, définition qui selon son acception usuelle rappelle aussitôt les génocides les plus atroces de l’Histoire, en revanche, le «merveilleux barbare»[4] que nous propose Pasolini, évocation magique et sauvage liée aux racines de l’aventure humaine, assume un ensemble de valeurs relevant du sacre, essentiellement positives.
Dans cet esprit, trois de ses films comme Accattone, L’Evangile selon Matthieu ou OEdipe Roi, se révèlent les jalons significatifs d’un itinéraire idéologique où s’impose la constante d’un attachement existentiel au sous-prolétariat urbain, à l’antiquité classique et au Tiers Monde, en tant qu’incarnations d’une «authenticité» rurale archaïque, dépositaire des forces du passé.
Par-delà les dégradations et distorsions sémantiques qu’a connues le mot «barbarie» au fil du temps, Pasolini adopte donc d’emblée une signification plus proche de l’étymologie première, et tend à renouer le contact avec ces populations venues d’ailleurs que, jadis, les Grecs appelaient précisément «barbaroi». Dès lors, les Barbares qui nous occupent aujourd’hui, davantage menacés que menaçants, composeraient l’ensemble des marginalités sociales condamnées à plus ou moins brève échéance par le développement irrésistible de la civilisation technologique occidentale: autant de peuples «périphériques» dont la langue et la culture nous deviennent chaque jour plus étrangères, plus obscures, plus incompréhensibles.
Prenant appui sur la production cinématographique de l’auteur – ceci en raison de son impact figuratif manifeste et des nombreux renvois qui y sont faits à l’art et à l’archéologie -, nous nous proposons de recomposer tout d’abord le cheminement pri­vilègié qu’a suivi Pasolini dans l’optique d’une quête absolue de la Barbarie, de dégager ensuite les différents visages que celle-ci a pu revêtir a la lumière de son inspiration, et enfin d’introduire une réflexion autour des ouvertures que ce concept original ne manquera pas de susciter. Après avoir tenté de cerner la personnalité complexe de l’artiste dans une approche biographique, nous axerons l’analyse de ses principales réalisations selon une ordonnance qui en bouleverse quelque peu la chronologie, mais qui peut-être a l’avantage de mieux mettre en évidence, par une confrontation critique passé/présent, la progression passionnante d’une interrogation en perpétuelle effervescence face à la marche substantiellement tyrannique de l’Histoire.
Il nous est apparu nécessaire, toutefois, de ne pas tenir à l’écart son activité littéraire, dans la mesure où l’écriture s’y révèle un élement que l’on ne peut dissocier de l’image, et où les diverses disciplines que le cinéaste a maîtrisées se rejoignent et s’éclairent tour à tour. Compte tenu de l’indéniable ascendant de la poésie sur son oeuvre tout entière, et de l’acuité signifiante qu’il accordait a chaque mot, nous avons en outre pris la décision de placer en guise d’exergue aux différentes parties de cette étude, quelques vers particulièrement éloquents, choisis au sein de son abondante production.
Faut-il préciser que c’est avant tout la parole éclairante et feconde de Pasolini qui nous a guidé tout au long de ce travail. Mais parmi l’immense «corpus» que l’auteur laisse derrière lui, il est quasi impossible de citer le livre ou le film qui, plus qu’un autre, constituerait une source particulière à nos recherches. Le détail des notes de références sera donc la principale indication en cette matière, en dehors de la filmographie et la bibliographie. Signalons encore que trois articles fondamentaux écrits par le cinéaste en 1975 – dont deux totalement inédits en français -, sont présentés en annexe à titre documentaire.

NOTES
(1) L’expression, très belle, est d’Andrée TOURNÈS (Pasolini, conscience inquiète et obstinée, in: Jeune Cinéma n° 27-28, Paris, janvier-février 1968, p. 25).
(2) A l’initiative du peintre frioulan Giuseppe Zigaina, ami de jeunesse de PPP (= Pier Paolo Pasolini), un large choix de tableaux et de dessins du cinéaste a été presenté, pour la première fois, au Palazzo Braschi de Rome en mai-juin 1978. L’ouvrage en forme de catalogue édité a cette occasion, rassemble plusieurs textes signés G. ZIGAINA, G.C ARGAN, M. Di MICHELI ed A. ZANZOTTO: Pier Paolo Pasolini / I Disegni (1941-75), Scheiwiller.
(3) PPP à Jean DUFLOT, Entretiens avec Pier Paolo Pasolini, Belfond, 1970, p. 92.
(4) Ibidem, p. 94.

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Je suis une force du Passé.
Dans la seule tradition est mon amour.
Je viens des ruines, des églises,
des pales d’autel, des hameaux
oubliés dans les Apennins et les Préalpes
où ont vécu mes frères.
Je vais errant sur la Tuscolana comme un fou,
Sur l’Appia comme un chien sans maître.
Ou je regarde les crépuscules, les matins
sur Rome, sur la Ciociaria, sur le monde,
comme si c’étaient là les premiers actes de l’Après-Histoire,
auxquels j’assiste par privilège d’état-civil,
du bord extrême d’un âge
enseveli. Monstrueux celui qui est
né des entrailles d’une femme morte.
Et moi, foetus adulte, je vais
plus moderne que tous les modernes
à la recherche de frères qui ne sont plus.

P. P. Pasolini
Poésies Mondaines (1962)
© 1963 Aldo Garzanti Editore S. p. A.

FabienGirard

L’auteur
Historien d’art et archéologue diplômé de l’Université Libre de Bruxelles, Fabien S. Gerard est né en 1956. On lui doit quelques traductions de textes poétiques et littéraires, de même qu’une série d’articles traitant aussi bien des arts graphiques que du cinema. Il poursuit en outre – par tradition familiale – des activités de peintre et de dessinateur.
Connaissant son vif intérêt pour tout ce qui touche a l’héritage pasolinien, Maria-Antonietta Macciocchi fit appel a son aide, en mai 1979, pour présenter une exposition d’ensemble destinée à animer le séminaire «Pasolini» organisé dans les locaux de l’Université de Paris VIII.
La présente étude, Le Mythe de la Barbarie, constitue le prélude à un travail de recherche de plus longue haleine, portant sur certaines perspectives spécifiques à l’art cinématographique en Italie.
Fabien S. Gerard a été proclamé laureat de la Fondation Belge de la Vocation – promotion 1980 Emile Langui.


Traduzione in italiano

I racconti di Canterbury
Fin dalle prime immagini I racconti di Canterbury, uscito nel 1972, si presenta come una versione anglosassone del Decameron, che probabilmente è stato il libro di origine, e che Pasolini non manca di ricordare quando ci mostra il loro illustre autore Geoffrey Chaucer che prende evidente piacere nella lettura del capolavoro inaugurale della prosa italiana. Tuttavia, l’atmosfera è un po’ cambiata al variare della latitudine e degli atteggiamenti mentali: il fresco e l’umidità ambientale sostituiscono il clima generoso del Mezzogiorno; l’intimità si rifugia spesso in stanze buie e fredde, e l’idea della morte – immateriale – marchia tutti e ciascuno, mentre il diavolo in persona prevale sulla terra e molti dei protagonisti si troveranno alla fine a conoscere le fiamme dell’inferno…
Dimenticando deliberatamente la lettera in modo da non tradire lo spirito, Pasolini non esita a “reinventare” l’una o l’altra storia, come le scappatelle del focoso Perkin, a cui assegna, quale omaggio al gentiluomo vagabondo, alcune caratteristiche ironicamente chapliniane! Ma sulla strada per la tomba del santo martire Thomas Becket, tutti i pellegrini non sono meno fedeli all’appuntamento del Tabard Inn, e “Yeoman”, la “Donna di Bath” o “L’indulgenziere” ci raccontano con forza dettagli e spiegazioni ridondanti delle loro edificanti esperienze di vita, in cui il soprannaturale, l’appetito sessuale e la più demistificante scatologia sono parte integrante della vita quotidiana.
Girato interamente in vecchi quartieri di Cogeshall, Battaglia, Lavenham, Welles e Warwick, I racconti ripristinano la vitalità di una Inghilterra medievale ancora permeata di cultura contadina, così come i vicoli ripidi e tortuosi di Napoli lasciavano credere di avere conservato intatta la credibilità dell’Italia del Boccaccio. Scene e abiti, ispirati a scene di caccia o di costume, fanno riferimento a Bruegel e a piccoli maestri fiamminghi e francesi dei secoli XIV e XV, mentre ci godiamo la serena bellezza del mattino insulare catturata dall’occhio avido ed esigente di un Pasolini cameraman, in questi momenti fugaci di grazia in cui il gioco di luce del sole e della nebbia dà un colore molto vicino a una luminosità senza confronto.
Diversi canti tradizionali popolari, scelti sul posto, costituiscono la colonna sonora del film, e gli interpreti – presi per lo più dalla strada, in base alle loro caratteristiche fisiche o vocali – parlano con semplicità inimitabile la lingua di tutti i giorni: di qui deriva la variopinta mescolanza di slang londinese e di accenti dialettali gallesi o scozzesi, che aggiunge una nota di verità essenziale per descrivere questo piccolo mondo di artigiani e di mercanti, di ladri, prostitute e mendicanti. Visionaria apoteosi innestata come conclusione al racconto di “Semoneur” I racconti di Canterbury terminano con l’evocazione forte e colorata di un inferno popolato da diavoli cornuti e alati, provenienti in linea diretta dalle composizioni di Hieronymus Bosch, in cui lo stesso Satana espelle per vie naturali una moltitudine di monaci venali, dannati destinati alle fiamme!
Oltre ad alcuni volti noti del cinema britannico, come Jenny Runacre, Hugh Griffith e Michael Vernon o Dobtcheff Balfour, si segnala la presenza significativa di Josephine Chaplin, oltre alla interpretazione molto gustosa di Laura Betti nel ruolo brillante della “Donna di Bath” e del giornalista John Francis Lane (corrispondente ufficiale del Times a Roma ) nel ruolo di “fratello mendicante!” I soliti Ninetto Davoli e Franco Citti, uguali a se stessi, garantiscono da parte loro – va ricordato – il collegamento stilistico delle diverse parti di questa animata trilogia.

L’argomento
Questo saggio si propone di circoscrivere l’immagine del tutto originale della “barbarie” come appare nell’opera del poeta-regista italiano P.P Pasolini. Percorrendo le realizzazioni più importanti dell’artista, si segue l’avanzamento profondamente coerente di un pensiero in continuo divenire, contrassegnato dal dolore per l’ascesa irresistibile della civiltà consumistica occidentale a danno dell’universo arcaico contadino – estremo bastione della sacralità, depositario privilegiato delle forze del passato ed unico portatore dei germi di un avvenire a dimensione d’uomo. Primordiale quanto alla comprensione del suo passo etico, questa posizione “corsara” di Pasolini finisce così per condurlo al sottile paradosso di un progressismo conservatore, che proclama senza tregua che oggi è indispensabile sapere ancora “guardare indietro “, se si vuole realmente “andare avanti “.
Il lavoro che è presentato dallo scrittore Pierre Mertens, contiene inoltre una traduzione originale di tre tra gli ultimi ultimi testi dovuti alla penna di Pasolini, così come una bibliografia – attualmente [1981, ndr] la più completa apparsa in lingua francese.

Prefazione
Per un buon numero di persone, Pier Paolo Pasolini non è prima di ogni cosa che un nome, un nome legato alla morte, e per essere più precisi, a una morte scandalosa, tragica, esemplare; un fatto diverso stratificato sùbito da commenti equivoci – e spesso tendenziosi – dell’insieme dei mass media.
Si potrebbe dire, in qualche modo, che la sua scomparsa abbia preso irrimediabilmente il sopravvento sulla sua vita, cancellandola, o peggio: “contaminandola” al tempo stesso.
L’interesse appassionato che accordavamo da parecchi anni al suo lavoro, avendo del resto intrapreso la traduzione – quanto mai rivelatrice – di uno dei suoi lavori l’estate precedente il suo assassinio, ci ha incitato da questo momento ad approfondire ogni giorno di più la conoscenza dell’uomo e del suo pensiero, per essere in grado di darne testimonianza.
Una coscienza «inquieta e ostinata»[1] che lo pone al cuore stesso del dibattito culturale italiano del dopoguerra, fa del suo discorso un punto di riferimento fondamentale per chiunque percepisca le contraddizioni sottostanti alla nostra società e cerchi di scoprirne le molteplici alienazioni. E se la notorietà del poeta, o più ancora del cineasta, un po’ occultata fuori dal suo paese, si irraggia dalle altre sue attività, non dimentichiamo che la vocazione proteiforme di Pasolini gli ha permesso di intervenire praticamente a tutti i livelli, e che sono rari gli argomenti che non sono stati abbordati da quello che è stato – e a pieno titolo – romanziere, saggista, drammaturgo, cronista, polemista, e anche pittore così come attestato dalla recente esposizione delle sue tele[2].
Di fronte a un tale potere espressivo, sono numerosi i poli tematici che si offrono all’analisi; tra questi, il ricorso permanente a un simbolico privato non manca di affascinarci da lungo tempo, ma l’ampiezza dell’argomento e le diverse connotazioni tecniche e linguistiche che implica ci avrebbero scostati probabilmente anche troppo dalla cornice “iniziatrice” in cui tenevamo a inserire questo lavoro. Perciò la nostra scelta si è rivolta, alla fine, a un aspetto più specifico della personalità pasoliniana, e, ci sembra, primordiale quanto alla comprensione della sua opera: il mito della barbarie.
«La parola barbarie, lo confesso, è la parola che amo di più al mondo»[3]. Per la sua evidenza stessa, questa professione di fede espressa per alcuni anni da Pier Paolo Pasolini, continua a seminare l’agitazione tra coloro che gli sono vicini, i suoi amici, i suoi lettori attenti, a un punto tale che può sfociare soltanto in un rifiuto da parte loro di rubargli l’esclusiva di questo termine scelto e ricorrente, prezioso tra tutti, se questo non è quando si tratta – come noi proponiamo – di fare riferimento in modo esplicito alla sua sollecitazione.
Precisione indispensabile – se non capitale -, ancora bisogna intendersi fin dall’inizio sul senso che conviene dare a questa espressione ambigua, se lo è! Al contrario di una “barbarie dell’orrore” – fosse a viso umano – come la concepiscono particolarmente Bernard-Henri Lévy ed i Nuovi Filosofi, definizione che ricorda subito i genocidi più atroci della storia secondo la sua accezione comune, in compenso, il “meraviglioso barbaro”[4] che ci propone Pasolini, evocazione magica e selvaggia legata alle radici dell’avventura umana, assume un insieme di valori rilevanti del sacro essenzialmente positive.
In questo spirito, tre dei suoi film come Accattone, Il Vangelo secondo Matteo o Edipo re, si rivelano le tappe significative di un itinerario ideologico dove s’impone la costante di un legame esistenziale al sottoproletariato urbano, all’antichità classica e al Terzo Mondo, in quanto incarnazioni di una “autenticità” rurale arcaica, depositarie delle forze del passato.
Attraverso le degradazioni e distorsioni semantiche che ha conosciuto la parola “barbarie” col passare del tempo, Pasolini adotta dunque di colpo un significato più vicino all’etimologia originaria, e tende a riannodare il contatto con queste popolazioni venute da altri luoghi che i greci chiamavano un tempo precisamente “barbaroi”. Da allora, i barbari di cui ci occupiamo oggi, minacciati oltre che minacciosi, comporrebbero l’insieme delle marginalità sociali condannate a più o meno breve scadenza per lo sviluppo irresistibile della civiltà tecnologica occidentale: altrettanto che i popoli “periferici” di cui la lingua e la cultura ci diventano ogni giorno più straniere, più oscure, più incomprensibili.
Prendendo spunto dalla produzione cinematografica dell’autore – questo a causa del suo impatto figurativo manifesto e dei numerosi richiami che sono fatti all’arte figurativa ed all’archeologia -, ci proponiamo di ricomporre anzitutto il percorso privilegiato che ha seguito Pasolini nell’ottica assoluta della barbarie, di distinguere poi i differenti profili che questa ha potuto rivestire alla luce della sua ispirazione, e infine di introdurre una riflessione intorno alle aperture che questo concetto originale non mancherà di suscitare. Dopo avere tentato di contornare la personalità complessa dell’artista in un approccio biografico, impernieremo l’analisi delle sue principali realizzazioni secondo un ordinamento che ne sconvolge un po’ la cronologia, ma che ha forse il vantaggio di mettere meglio in evidenza, per un confronto critico passato/presente, la progressione appassionante di un’interrogazione in continua effervescenza di fronte alla marcia sostanzialmente tirannica della storia.
Ci è sembrato necessario, tuttavia, non mettere in disparte la sua attività letteraria, nella misura in cui la scrittura si rivela un elemento che non si può dissociare dall’immagine, e dove le diverse discipline di cui il cineasta ha la padronanza si congiungono e si illuminano una dopo l’altra. Tenuto conto dell’innegabile ascendente della poesia sulla sua intera opera, e dell’acutezza significativa che accordava a ogni parola, abbiamo preso inoltre la decisione di porre a guisa di esergo alle differenti parti di questo studio, alcuni versi particolarmente eloquenti, scelti in seno alla sua abbondante produzione.
Bisogna precisare che è prima di tutto la parola illuminante e feconda di Pasolini che ci ha guidato lungo tutto questo lavoro. Ma tra l’immenso “corpus” che l’autore lascia dietro di sé è quasi impossibile citare il libro o il film che, più di ogni altro, costituirebbe una sorgente particolare per le nostre ricerche. Il dettaglio delle note di riferimento sarà la principale indicazione in questa materia, a prescindere dalla filmografia e dalla bibliografia, dunque. Segnaliamo ancora che tre articoli fondamentali scritti dal cineasta nel 1975 – di cui due totalmente inediti in francese -, sono qui presentati a titolo di documentazione.

NOTE
(1) L’espressione, molto bella, è di Andrée TOURNÈS (Pasolini, coscienza inquieta e ostinata, in: Giovane Cinema n° 27-28, Parigi, gennaio-febbraio 1968, p. 25).
(2) Per iniziativa del pittore friulano Giuseppe Zigaina, amico di gioventù di PPP (= Pier Paolo Pasolini), un’ampia scelta di quadri e di disegni del regista è stata presentata, per la prima volta, a Palazzo Braschi di Roma nel maggio-giugno 1978. L’opera in forma di catalogo pubblicato per questa occasione riunisce parecchi testi firmati G. ZIGAINA, G.C ARGAN, M. Di MICHELI ed A. ZANZOTTO: Pier Paolo Pasolini / I Disegni (1941-75), Scheiwiller.
(3) PPP a Jean DUFLOT, Il sogno del centauro (1970-1975). Incontri con Jean Duflot, Belfond, 1970, p. 92.
(4) Ibidem, p. 94.

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Io sono una forza del Passato.
Solo nella tradizione è il mio amore.
Vengo dai ruderi, dalle chiese,
dalle pale d’altare, dai borghi,
abbandonati sugli Appennini o le Prealpi
dove sono vissuti i fratelli.
Giro per la Tuscolana come un pazzo,
per l’Appia come un cane senza padrone.
O guardo i crepuscoli, le mattine,
su Roma, sul Ciociaria, sul mondo,
come i primi atti della Dopostoria,
cui io assisto, per privilegio d’anagrafe,
dall’orlo estremo di qualche età
sepolta. Mostruoso è chi è nato
dalle viscere di una donna morta.
Ed io, feto adulto, mi aggiro
più moderno di ogni moderno
a cercare fratelli che non sono più.

P.P.Pasolini, Poesia in forma di rosa, 1. La realtà, Poesie Mondane (1962)
© 1963 Aldo Garzanti Editore S. p. A.

[I contenuti della citazione poetica – In questi potenti versi si narra la tragedia di un sopravvissuto. I fratelli vissuti nei borghi, all’ombra delle chiese, sono i contadini. Il poeta ora si sente un cane senza padrone, un reietto, uno straniero. E guarda sul mondo, sui suoi primi atti della Dopostoria, in quanto il neocapitalismo ha affondato la storia. Egli è l’ultimo baluardo sull’orlo di qualche età sepolta che sta per essere definitivamente archiviata. È un sopravvissuto che cerca invano i fratelli, ormai tutti morti. Mostruoso è il neocapitalismo, nato da una storia morta, senza radici, che incomincia da zero. Eppure il poeta è più moderno di ogni moderno: il suo privilegio d’anagrafe lo pone nella condizione di esser vissuto nella vecchia era dell’umanità e di aver subìto lo smacco della sua rovina. Pasolini rivendica con orgoglio la comprensione profonda e drammatica del tempo presente, pur essendo egli un sopravvissuto di un’altra epoca, oppure proprio per questo: solo chi è testimone dell’alterità può comprendere, mentre è dubbio che coloro che si sono buttati trionfalmente e ottimisticamente nel nuovo mondo ed hanno dimenticato o non vissuto per nulla l’altro mondo, posseggano un barlume delle differenze abissali tra i due. (a.m.)]

L’autore
Storico dell’arte e archeologo diplomato all’università Libera di Bruxelles, Fabien S. Gerard è nato nel 1956. Si devono a lui alcune traduzioni di testi poetici e letterari, e una serie di articoli che trattano altrettanto bene le arti grafiche e il cinema. Si occupa inoltre – per tradizione familiare – delle attività di pittore e di disegnatore.
Conoscendo il suo vivo interesse per tutto ciò che riguarda l’eredità pasoliniana, Maria-Antonietta Macciocchi (*) fece appello al suo aiuto, nel maggio 1979, per presentare un’esposizione d’insieme destinata ad animare il seminario “Pasolini” organizzato nei locali dell’università di Parigi VIII.
Il presente studio, Le mythe de la barbarie, costituisce il preludio a un lavoro di ricerca di più ampio respiro riguardante alcune prospettive specifiche dell’arte cinematografica in Italia.
Fabien S. Gerard è stato proclamato laureato dalla Fondazione belga della Vocazione – promozione 1980 Emilio Langui.

(*) Nota redazionale. Una intervista a Maria Antonietta Macciocchi nell’ambito del seminario internazionale di Parigi del maggio 1979 è nell’archivio di Radio Radicale: http://www.radioradicale.it/scheda/591?format=32 – [a.m.]