Il “Magazine littéraire” tutto per PPP

Un corposo dossier su Pasolini è uscito nel mensile parigino “Magazine littéraire”, curato da Enrica Sartori, Anne-Violaine Houcke, René de Ceccatty e intitolato Génies de Pasolini. In sostanza, un ricco numero monografico che rilegge il grande artista italiano dal filtro critico del punto di vista francese e ne rimarca la dimensione internazionale. Pubblichiamo qui la presentazione della rivista apparsa in rete sul sito della rivista.

Génies de Pasolini
www.magazine-litteraire.com – gennaio 2015

«Nous avons perdu avant tout un poète. Il n’en naît que trois ou quatre en un siècle», clame, quelques jours après l’assassinat de Pasolini en 1975, son ami Alberto Moravia. Si la vie de Pasolini est courte, elle est follement dense: le monstre de travail a trouvé le temps de démultiplier les oeuvres et les expériences, aux confins de la poésie, du roman, du théâtre et du cinéma.
Quelque part dans la nuit du 1er au 2 novembre 2015, Pier Paolo Pasolini sera mort depuis quarante ans. Il se trouve qu’Abel Ferrara consacre un film à la dernière journée du poète italien. Il se trouve qu’un tel homme ne meurt pas tous les jours, et d’une telle manière – « dans le sable et la nuit », ainsi que l’écrit René de Ceccatty dans les pages suivantes. Il se trouve qu’il nous plaît de placer l’année qui vient sous son égide. Il se trouve surtout que nous étions impatients d’évoquer cette oeuvre-là, cette flamme-là.
Génies de Pasolini, oui, dans tous les sens. Les génies de la lampe, les esprits anciens qui volaient autour de ce corps, attentif aux antiques oracles et aux démons primordiaux. Les génies aussi au sens des ingénieurs : ces spécialités dont Pasolini a ignoré les cloisonnements, entre lesquelles il a joué à la marelle, lui qui fut aussi bien poète, romancier, traducteur, éditorialiste, reporter, critique, théoricien, dramaturge et cinéaste. Peu de temps avant sa mort, il rappelait que son passeport signalait simplement, à la rubrique profession, « écrivain ». Il le fut dans les grandes largeurs, y compris lorsqu’il tournait. Non parce qu’il réalisait des films d’écrivain (catégorie gênante), mais parce qu’il s’y battait, tout autant qu’ailleurs, avec le langage.
Génie de Pasolini, celui de l’Antiquité ou du romantisme, celui du langage courant quand il n’est pas inconséquent ou émoussé. Un honnête homme du Quattrocento ou de la Renaissance, un Européen aussi – si vous croyez encore à ce terme. Une individualité ô combien atypique mais irradiant au-delà de sa simple singularité, au-delà d’une seule discipline ou d’un seul territoire, et c’est bien en cela qu’il fut un Européen digne de ce nom. Si fort qu’il pouvait être pessimiste, sinon nihiliste, et se vouer de toute sa moelle à ce qu’il faisait, sans oublier le monde tournant autour de lui. Pasolini était aussi un anthropologue, n’éludant pas que son art était une activité humaine parmi d’autres, promouvant, dans le même temps, une certaine idée de l’espèce humaine. Il était également un écologue, pour qui ne se peuvent délier les environnements matériel et culturel. Dans un article de 1975, lorsqu’il pleure la dévitalisation de l’Italie, il n’ergote pas sur tel ou tel souffle au coeur intellectuel : il remarque que les lucioles ont disparu dans les campagnes italiennes, et que c’est le même problème.
C’était il y a quarante ans, et les lucioles ne sont toujours pas revenues.

 

Lucciole
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