Dal giovane ricercatore Luca Peloso riceviamo un acuto contributo critico sulla religiosità “cristiana” che informa l’opera pasoliniana, al bivio tra storia e vita, rigetto attivo della borghesia e della Chiesa istituzionale, tensione civile e sensuale adesione alla spiritualità popolare. Un pensiero in divenire, secondo Peloso, che dall’impasse pessimistica consegnata alle poesie della raccolta La religione del mio tempo (1961) approda alla proposta risolutiva del Vangelo secondo Matteo (1964), per attraversare in seguito anche il tragico deserto borghese del film Teorema (1968).
Luca Peloso, già vincitore nel 2011 del Premio Tesi di Laurea Pasolini discussa presso l’Università di Padova per un lavoro sulla presenza del pensiero gramsciano in Pasolini, è attualmente dottorando di ricerca in una università canadese. Grazie all’autore per l’autorizzazione alla pubblicazione di questo suo nuovo saggio che, dopo essere stato proposto nel novembre 2015 al convegno “Pasolini religion rebelle” organizzato a Ottawa in Canada, uscirà a breve su “Théorèmes”, rivista francofona di studi sulla religione.
Spiritualité populaire versus religion bourgeoise. Le christianisme pasolinien
dans La religione del mio tempo, Il Vangelo secondo Matteo et Teorema
di Luca Peloso
1.La religione del mio tempo
La religione del mio tempo représente une fracture par rapport à la production poétique pasolinienne jusqu’à Le ceneri di Gramsci: elle manifeste, pour user les mots de Tommaso Anzoino, «une nouvelle attitude de Pasolini face à la réalité» [1]. Si avec Le ceneri il avait rejoint le sommet de la tension – à qui les compositions conféraient un certain équilibre – entre vie et histoire, passé et présent, privé et publique [2], La religione del mio tempo atteste, à partir du titre, l’irréparabilité d’une condition où c’est le deuxième terme de la relation, l’histoire (la religion de mon temps) à avoir pris la relève et s’être imposé sur la vie de l’individu. Histoire qui est d’abord civilisation bourgeoise, culture de l’inculture. Et s’il est vrai que dans ce recueil poétique on relève la «prépondérance des instances politiques et poétiques plus irrationnelles» [3], il est vrai également que ce binôme (politique-poétique, autrement dit histoire et poésie) inclut, ou mieux relance, le thème religieux: puisqu’on ne peut pas ne pas noter, comme par exemple le fait Cacitti [4], que le terme irrationalisme est presque toujours associé, chez Pasolini, à la religion. Il est donc impossible de séparer politique et poésie de la religion (ce sera la même chose dans Teorema): la poésie civile, qui entre les années cinquante et soixante constate son échec, est dans ces compositions ipso facto religieuse (et vice versa). Mais de quelle religion parle-t-il? Au nom de quoi ou de qui se bat-il? Nous avons ici, en effet, une dichotomie assez nette (qui se représente constamment sur le plan politique [5]) entre la “religion de mon temps”, c’est-à-dire le nouveau culte de la richesse (comme le dit le titre d’un des petits poèmes) et la religion à laquelle Pasolini se sent proche, qui coïncide avec le sentiment du sacré et conçoit la réalité comme miraculeuse par définition [6]: religion qui s’enracine – écrit Guido Santato – dans «la veine inépuisable du populisme évangélique» [7].

En termes élémentaires, nous avons une opposition entre religio civilis, qui doit être conçue comme rituel vide de sens, folklore formel proche de la gesticulation, calcul pour des raisons de convenances personnelles, et d’autre part une foi comme adhésion immédiate à l’existant, dans laquelle toute distinction entre théorie et pratique est pléonastique, puisque croire/“penser” et vivre/agir sont une seule chose: où il n’est même pas concevable de s’arrêter devant le mystère, comme dans le cas de l’homme cultivé, car cela implique être en dehors du mystère, tandis que le vrai croyant n’en est jamais sorti: il l’habite depuis toujours, spontanément. C’est une opposition inconciliable dès le début, lors que le regard de Pasolini suit un ouvrier contemplant les fresques de Piero della Francesca à Arezzo, un homme aux «pauvres yeux» qui reconnaissent soudain les profils et les figures divines qu’il a appris à connaître dès l’enfance: foi populaire, spiritualité sans dogmes, foi pauvre mais essentielle [8]. C’est cette humanité provinciale et sous prolétaire – à qui Pasolini regard avec amour et amertume, tendu entre la conscience de sa propre distance et une instinctive proximité – qui a poussé le poète à unir l’univers religieux et l’autobiographie:
Sono questi i luoghi, persi nel cuore
campestre dell’Italia, dove ha peso
ancora il male, e peso il bene […];
qui gli uomini restano credenti
in qualche fede – e il povero fervore
dei loro atti li possiede tanto
da perderli in un brusio senza memoria –
più poetico e alto
è questo schiumeggiare della vita. [9]
Populisme sous le signe de la communion, puisque outre l’identification et la distance, le destin aussi est le même: Pasolini comme les membres des classes subalternes sont, au sein de la civilisation bourgeoise, des corps étrangers; le premier en tant qu’haï et rejeté par elle, les secondes en tant qu’exclues dès la naissance. Les deux sont condamnés à rester en dehors de l’Histoire, dans la mesure où il s’agira de l’Histoire bourgeoise. C’est un destin signé par des correspondances de l’âme et des sens: l’intellectuel Pasolini et les sous prolétaires sentent de la même façon, et cela les rend inévitablement incompréhensibles – donc dangereux – pour la bourgeoisie, incapable d’accepter autre que soi, de concevoir une logique qui ne soit pas d’assimilation. Ce que Pasolini décrit est une identité dans la différence:
La nostra speranza è ugualmente ossessa:
estetizzante in me, in essi anarchica.
Al raffinato e al sottoproletario spetta
la stessa ordinazione gerarchica
dei sentimenti: entrambi fuori dalla storia,
in un mondo che non ha altri varchi
che verso il sesso e il cuore,
altra profondità che nei sensi.
In cui la gioia è gioia, il dolore dolore. [10]
Un monde où les choses sont appelées par leur nom, où il n’y a pas de tromperie parce que l’hypocrisie n’a pas droit de cité: là où la civilisation n’a pas encore imposé ses règles et ses inhibitions, il y a de l’espace pour l’innocence; on se confie aux sens. C’est pourquoi Pasolini peut parler d’un passé où «ma religion était un parfum» [11]: aucun dualisme matière-esprit, si la matière est sacrée; chez Pasolini cela suffit à annuler, d’un coté, l’exigence même d’une métaphysique, légitimée – voire, invoquée – par une weltanschauung dans laquelle les sentiments occuperaient les plus bas degrés de l’être et de l’humain; de l’autre il implique l’unité du réel, car le corps est partie intégrante, pour ne pas dire privilégiée, de la réalité et du sacré, aussi toute distinction doctrinaire rigide entre corps et âme – le premier qui marcherait avec peine derrière la seconde – est-elle bannie.

Dans la section intitulé Poesie incivili, en confirmation de la centralité des sens et du corps, Pasolini parlera de l’«odeur de ma vie» comme équivalent de l’«odeur de ma mère» [12]: religion et vie se réfléchissent l’une dans l’autre, au moyen des sens (l’odorat, dans ce cas, l’un des sens plus obsessionnellement présent dans la poétique pasolinienne de ces années). Dans le passé, écrit Pasolini, «je donnais à Christ / toute ma naïveté et mon sang» [13], après quoi la constatation affligée que «l’église de mon amour adolescent / était morte dans les siècles, et vivante / uniquement dans la vieille, douloureuse odeur / des champs» [14]. De nouveau l’odorat, cette fois associé à l’idée de la trahison du Christ par les chrétiens: sujet qui ne renvoie pas à la pensée nietzschéenne (le Christianisme qui meurt sur la Croix), mais il est abordé au nom d’une Église digne jadis de ce nom – Église qui n’existe plus. La thèse de Pasolini c’est que ce qu’il y avait de vital, d’authentique, et de communautaire dans le Christianisme, ne survit pas tant chez les paysans en tant qu’individus, hommes concrets – chez Pasolini ils ne sont forcément pas sous prolétaires –, mais dans l’horizon matériel et passionnel qui les entoure, ce «monde paysan illimité comme réalité métahistorique […], univers opposé à l’histoire bourgeoise» [15]. C’est justement sur cet adjectif qu’insiste le poète dans l’un des passages les plus enragés de La religione, une espèce de summa de l’opposition, qui lui est extrêmement chère, entre les deux “croyances”, presque une anticipation de son Christ, trois ans plus tard:
Guai a chi non sa che è borghese
questa fede cristiana, nel segno
di ogni privilegio, di ogni resa,
di ogni servitù; che il peccato
altro non è che reato di lesa
certezza quotidiana, odiato
per paura e aridità; che la Chiesa
è lo spietato cuore dello Stato. [16]
Et plus loin Pasolini définit les catholiques bourgeois «turpi alunni di un Gesù corrotto / nei salotti vaticani, negli oratori, / nelle anticamere dei ministri, nei pulpiti: / forti di un popolo di servitori.» [17], raison pour laquelle le poète peut caractériser comme «sacrilège, mais religieux»[18] son amour de la tradition: c’est-à-dire, religieux justement parce qu’il résulte impie aux yeux de ceux qui parlent au nom de la religion sans connaître le sacré qui est en elle. Ces sont les mêmes fantoches qui rendent hommage au Pape Pio XII, selon Pasolini un homme sans pitié, vu qu’il a toujours été loin des besoins des misérables qui résidaient dans sa ville: et il est ici significatif que le terme religion soit associé par Pasolini à la fois à Marx et à Christ, deux “esprits” également distants de ce que l’on appelle les “credenti della domenica”[19]. Mais qu’est-ce qui rend si irréligieux ces soi-disant fidèles? Selon Pasolini, deux éléments: le manque de charité, la seule vertu véritablement humaine car elle n’est pas utilisable par le pouvoir[20], et la lâcheté, qualité qui corrompt de haut en bas l’époque présente:
Così, se guardo in fondo alle anime
delle schiere di individui vivi
nel mio tempo, a me vicini o non lontani
vedo che dei mille sacrilegi possibili
che ogni religione naturale
può enumerare, quello che rimane
sempre, in tutti, è la viltà.
[…]
È quella viltà che fa l’uomo irreligioso[21].
Ce sont les mêmes qui se disent purs, «segno che l’anima è sporca»[22]: c’est pour cela qu’ils sont, et ils restent, esclaves. Le même manque de pitié réunit le berger – les Papes – et les ouailles, ou mieux le troupeau, «massa, non popolo, massa» laquelle «s’assesta là dove il Nuovo Capitale vuole.»[23]. Sujétion au pouvoir et esclavage religieux convergent ainsi, comme en témoignent les dernières épigrammes du recueil: «sei cattolico apostolico romano: / scrivi con stile di nubile, e fini di ruffiano», persifle le poète en répondant à un critique[24]; ailleurs il revendique sans hésiter d’avoir introduit une racine mystique dans le marxisme[25]. En somme, la liberté politique n’exclut en rien l’expérience du divin: prélude à la rencontre avec Jésus, dans la personne duquel les deux aspects sont consubstantiels.
2.Il Vangelo secondo Matteo
Le rapport entre La religione del mio tempo et Il Vangelo secondo Matteo est donc structurel: «Dans Il Vangelo secondo Matteo la passion religieuse présente depuis toujours dans l’œuvre de Pasolini, et qui avait été le leitmotif de La religione del mio tempo, trouve son accomplissement»[26]. Il Vangelo, avec lequel Pasolini vise à se plonger dans la réalité, que la langue naturelle ne lui permet plus d’atteindre, exprime – et d’une certaine façon radicalise – les motifs illustrés dans le premier paragraphe. Là encore, comme dans La religione, poésie, religion et politique sont inséparables; là encore le sentiment du sacré est la voie privilégiée pour accéder à la réalité; là encore, nous avons le même système d’oppositions. Naturellement dans le film le renvoi au recueil se joue sur les frontières – parfois subtiles – entre identité, analogie et assonance; car si le concept de continuité exclut par définition l’idée d’une rupture (et d’un changement radical quant à la forme), d’autre part il rend inéluctable le discours sur l’évolution des contenus: sur les différences, en d’autres termes, qui permettent de reconstruire le parcours de l’auteur à travers ses thèmes. Les différences ne manquent pas: si dans La religione del mio tempo il y avait une prépondérance des instances irrationnelles, maintenant elles seules paraissent, grâce à son cinéma “magmatique” (“magma” est le mot utilisé par Pasolini pour indiquer les aspects chaotiques de la réalité); si auparavant l’impasse semblait prévaloir, maintenant la force provocante d’un texte en soi révolutionnaire, fidèlement suivi dans son allure rythmique et narrative, ouvre une brèche dans l’exaspération du poète, une nouvelle perspective, tandis que la fin de La religione – où cependant des sursauts de rébellion trouvaient le moyen de s’exprimer – était sous le signe de l’absence des perspectives (même si, comme d’habitude, le nouveau chemin entrepris par Pasolini n’est pas exempt de menaces, par exemple le spectre d’une nouvelle impasse: on le verra avec Teorema). Bref, si dans La religione l’histoire avait pris irréparablement le dessus, à partir du Vangelo la vie, la poésie, en un mot l’existence humaine regagne le terrain perdu, en instaurant un nouvel équilibre (qui se reflète aussi sur le plan visuel 27]). Le Christ de Mathieu, si vital et impétueux sur l’écran [28], permit à l’écrivain de reprendre les éléments idéologiques qui dans les poésies avaient été abandonnés, et de les synthétiser dans le dispositif du “Christ-parole” [29], pour qui le Verbe est à la fois poésie, pensée et message politique révolutionnaire en faveur des opprimés. C’est pourquoi on a pu écrire que «Pasolini réunit Gramsci et Christ, et il est convaincu que la religion peut faire, pour les sous prolétaires, ce que le christianisme avait fait deux mille ans plus tôt pour les esclaves et les exclus: notamment, être une source révolutionnaire de liberté» [30]; Gramsci dont l’absence pesait beaucoup dans La religione. Le fantôme gramscien (et marxien) de la révolution revient, même si grâce à un Christ “revisité” sous le signe du mythe. Mais le Jésus de Pasolini qui est-il? Quelles sont les traits qui le caractérisent?

On a dit, entre autre choses, qu’il est surtout le Jésus de la colère [31], et il faut relever que le «Guai a chi non sa (che è borghese questa fede cristiana)» de La religione est “justifié” pas son antécédent plus noble (l’anaphore évangélique «Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites!», Mt. 23, 13-36); il s’agit néanmoins de ne pas oublier que ses réactions violentes face à l’hypocrisie – face au monde – surgissent du même cœur dont la douceur ne peut qu’émouvoir le spectateur: voir, à ce propos, le séquences qui le représentent avec les enfants, où celle de la femme qui lui répand le parfum sur la tête [32]. Cette duplicité, cette union des opposés, ou – d’un point de vue technique – le rapprochement d’éléments contradictoires, qui en poésie est devenu l’une des figures de style de la poésie pasolinienne, dite sineciosi, trouve ici des équivalents dans l’alternance entre immobilité et mouvement de la caméra, entre froide rigidité/dogmatisme des grands prêtres et chaleur révolutionnaire/passion religieuse de Jésus, à propos de laquelle – encore une fois – il n’y a pas de conciliation possible, rien que du conflit: thèse antithèse et synthèse ne sont pas des “phases”, ils cohabitent [33]; pas de résolution finale, comme d’habitude chez l’écrivain friulain [34]. Les incompatibilités se résument, à nouveau, dans la lutte politique-religieuse entre les sous prolétaires, toujours capable de puiser dans l’univers du sacré, et le monde bourgeois qui se vautre dans la matière comme les porcs dans la boue: et si dans Teorema le sacré se présentera dans le rôle de l’absolument Autre, en partie différent même par rapport aux sous prolétaires (comme Emilia), dans Il Vangelo l’Autre a de toute façon déjà un nom et un visage, c’est le Christ lui-même. Cette altérité, divine car non mesurable, dans le film est urgente en tant que visible: la vision a substitué ce que l’odorat était dans La religione, de façon que les scribes, les Pharisiens, le jeune homme riche [35] parlent par eux-mêmes, ils sont affectés, arrogants, «hommes sans naïveté» [36] (les premiers), ou dissociés (le second). Leur physionomie est le miroir de leur cœur endurci. Au contraire ceux qui ont le cœur pur sont toujours, dans le film, des masques plastiques capturés dans le changement d’expression du visage, qui réfléchissent la pureté intérieure de ceux qui sont capable d’accueillir la Bonne nouvelle. C’est cela qui tout d’abord les rend différents des autorités religieuses (et politiques): ils acceptent et accueillent en toute humilité le mystère que les persécuteurs de Christ choisissent de profaner et de mystifier.
Mais Il Vangelo est aussi un événement technique et stylistique [37]: dans La religione les techniques proustiennes de l’intermittence du cœur et de la mémoire involontaire dégageaient la poésie civile et de la crise idéologique des années ’60, et de l’impasse dans laquelle elles se trouvaient; avec une technique cinématographique que Pasolini adopte ici pour la première fois, et qu’il appelle “magmatique” (en se référant soit aux tournages, soit au montage), il pose les fondations d’une nouvelle attitude, positive et déterminée, vers la réalité; loin d’être, comme ailleurs, totalement maniériste, sa façon de tourner se révèle aussi révolutionnaire sur le plan formel et expressif que ses réflexions sur le plan des contenus:
Pasolini a inventé un mode de narration spécifique où le mouvement de la caméra, la coupure brutale des séquences, leur enchaînement hachuré, hétérodoxe par rapport aux lois en cours du montage créent la sensation d’une représentation non objective de la réalité, d’un regard inquiétant.
À cette technique, qui est sa marque, il demeurera fidèle, notamment dans L’Évangile selon Matthieu et dans Théorème, où la présence d’un «observateur» invisible est indiquée par les légers mouvements de la caméra à des instants où elle est censée être fixe et suit parfois des parcours apparemment arbitraires. Les zooms soudains, que Fellini pratiquera systématiquement (dans Satyricon, puis dans les Clowns, dans E la nave va, dans Casanova), viennent de Pasolini. C’est Pasolini le premier – si l’on exclut les tentatives expérimentales de Cocteau et de Buñuel, l’expressionisme allemand, Eisenstein, que Pasolini n’aimait pourtant pas, et peut-être Sternberg dans la séquence initiale du carnaval de La femme et le Pantin – qui a eu recours à ce langage cinématographique étrange qui manifeste le regard d’un témoin, isolant exagérément dans la réalité un détail qui vient couper le cours du récit. [38]
Fruit d’une crise profonde [39], la découverte de cette technique permit à Pasolini de renforcer l’expression de ses idées, et quoique désespoir et nostalgie transparaissent ici aussi, ils sont surmontés par le rôle actif, non plus “seulement” poétique (donner la voix aux sous prolétaires et aux exclus, ce qui est le cas de La religione), mais aussi poïétique du message chrétien: Pasolini découvre (dans le sens de “révèle”) la prédication de Jésus en tant qu’elle est à la fois discours et action, Vérité faisable avant que énonçable, incarnée plutôt que possédé; tandis que La religione del mio tempo attestait l’impossibilité de faire autre chose que crier la vérité, en séparant le dire de l’agir – d’où l’être perclus qui était le poète, un homme pour lequel hurler ses propres raisons, geste pas du tout libératoire, accroissait – à l’opposé – son sentiment d’impuissance. Comment peut-on alors progresser, comment est-il possible d’aller au-delà du discours-action de Jésus dans la contemporanéité, après avoir attesté les manipulations dont il a souffert, sinon en prenant à la lettre Mathieu – ou mieux Jésus à travers lui – quand il dit «que votre parole soit oui, oui; non, non» (Mt. 5, 37)? Sinon en adoptant un autre langage, généralement muet, celui défini par Pasolini comme le plus proche de la poésie, c’est-à-dire l’action? [40]. Il faut souligner cet aspect concernant le rôle et la fonction du langage: on passe de la langue naturelle de La religione à l’image “parlante” du Vangelo, aux images muettes de Teorema, où la langue devient lieu de l’hypocrisie, de la tromperie, de l’incohérence, donc finalement éliminée de la scène.
3. Teorema
Teorema est un cas plus complexe que les deux œuvres examinées jusqu’ici: pas tellement pour les formes linguistiques choisies (littérature et cinéma ensemble), mais surtout parce que, en raison de son caractère composite et stratifié, Teorema semble pour la plupart résister à une interprétation religieuse liée aux traits chrétiens que nous avons évoqués.
Soyons clairs: peut-on parler ici de christianisme (pasolinien) et de thèmes purement christologiques, comme c’était le cas dans La religione et Il Vangelo? Pas directement, en réalité; d’ailleurs, le fait que le protagoniste de l’histoire – l’Hôte qui bouleverse l’ordre de la famille bourgeoise – ait amené à des interprétations si différentes, est le symptôme d’une énième nouvelle phase de la “pensée” pasolinienne, cette fois même sur le plan de la réélaboration du thème religieux, qui (avec Edipo re) marque l’arrivée de contenus et figures de la tradition grecque (l’Hôte comme dieu païen plutôt que chrétien [41]), qui s’ajoutent à ceux de la tradition judéo-chrétienne [42].
Dans une certaine mesure c’est Pasolini lui-même à solliciter cette ambiguïté, en se référant à l’Hôte comme un dieu qui pourrait être Dionysos ou Yahvé [43]: bref, une figure du sacré qui n’est pas du Nouveau Testament, mais plutôt, à la limite, du Vieux. La preuve vient des renvois explicites à la Bible, qui dans le livre mettent au second plan les allusions à la prédication de Jésus, au profit des métaphores et citations tirées du Vieux Testament (par exemple l’épigraphe tirée de l’Exode sur le peuple juif dans le désert). Pourtant, en élargissant le regard vers les autres personnages, le décor, en un mot la “substance” du livre-film, nous voyons qu’il y a beaucoup d’éléments communs avec Il Vangelo secondo Matteo: par exemple, le fait que celui-ci aussi soit interprétable comme un théorème sur l’irruption du sacré dans un monde irréligieux:
The theorem, the ‘what if’, like that of ‘what if Christ now came to earth?’, destroys the present world for the sake of the past world. It is revolution in action.
This theorem is also that of Il Vangelo secondo Matteo. What the sacred visitor in Teorema does, and also Stracci does by implication in La ricotta, and the national anti-colonial revolutions do in La rabbia, is to overturn a present which has lost its spiritual way by representing it with the evidence of that loss in action. And this is not only what happens in Pasolini’s films, it is what the films are meant to provoke and what Pasolini in his being and body meant to provoke, a revolution of the spirit.[44]
De plus, dans un cas comme dans l’autre le sacré est associé à la violence (les discours de la colère et l’expulsion des marchands du temple dans Il Vangelo, l’entropie bourgeoise dans Teorema); enfin l’Hôte, comme Christ (bien que de façon très différente), incarne l’altérité absolue par rapport au monde dans lequel il vit: c’est-à-dire qu’il est un diverso (comme le dirait Pasolini) dans tous les sens.

Malgré donc Teorema appartient à la seconde partie de la production pasolinienne, et à certains égards il prélude même Salò [45]; bien qu’il parte d’une hypothèse et procède par l’absurde, bien qu’il s’agisse plutôt d’une “hallucination poétique” que d’une poésie pure, bien qu’on ait ici la négation a priori de l’adhésion et du transport qui ont caractérisé les œuvres précédentes – malgré tout cela, là encore remonte à la surface l’opposition entre “spiritualité” populaire et “matérialisme” de la bourgeoisie; si ce n’était que cette opposition est rendue à travers un dispositif volontairement déséquilibré: pas de polyphonie, la lutte est inégale, la résistance du sacré face à l’irréligion du monde n’occupe que les arrières. Si en effet pour La religione comme pour Il Vangelo les sous prolétaires constituent, du moins idéalement, une multitude, ici pour la première fois le focus est totalement interne au monde bourgeois – qui est devenu le monde – ; seulement Emilia, la servante, est d’origine paysanne, seulement elle, pour reprendre les mots du poète lui-même, est un personnage positif, pour lequel le sacré est la prémisse pour une Vie Nouvelle (la Sainteté). Entre la première et la deuxième partie du livre il y a en effet un paragraphe intitulé «Complicità tra il sottoproletariato e Dio»[46], qui semble vouloir répondre préliminairement à l’accusation de l’absence des sous prolétaires dans Teorema, et qui répète – avec des mots familiers au lecteur pasolinien – que seuls les déshérités peuvent accueillir (peuvent entendre!) l’appel divin.
Il est difficile d’équivoquer, dans le contexte d’une humanité de plus en plus indifférenciée et à la recherche de la consommation, la caractérisation d’Emilia en tant que fille qui est «pauvre», «un’esclusa di razza bianca» [47], dont la conscience est «senza parole. / E di conseguenza anche senza chiacchiere» [48]: description qui se lie à l’humilité de l’ouvrier contemplant les fresques de Piero della Francesca dans La religione, et aux travellings sur les visages campagnards ou d’enfants du peuple qui accourt pour écouter Jésus dans Il Vangelo; ce qui scelle, au fur et à mesure que le récit avance, une perspective encore une fois politique, poétique et religieuse, mise en œuvre par une synthèse définitive (après le livre de 61 et le film de 64, le livre-film de 68) [49]. Emilia est la preuve que le temps n’est pas passé sans laisser de traces: l’isolement devient en effet le paradigme d’une bourgeoisie qui a désormais tout assimilé à elle-même; où n’existe plus une véritable opposition (politiquement organisée), où la lutte de classe n’est qu’un souvenir. Cependant l’opposition frontale, sur le plan structurel et non pas quantitatif, existe et n’est pas encore résolue. Teorema est alors le (auto)portrait de l’aporie, une œuvre qui adopte la suspension du jugement sur un moment historique imprévisible, où il n’est même pas donné de savoir si le désespoir peut aller au-delà de la découverte de l’inauthenticité (le cri final du Père dans le désert). Dans l’“intermède” susmentionné Pasolini donne libre cours effectivement à des questions qui n’ont pas de réponse univoque – et où, toutefois, quelques interrogatifs, dans certaines cas rhétoriques, réfléchissent les nouveaux défis de la réalité:
«Così anche supponendo l’intervento di un miracolo a mettere un borghese, forzatamente, alla presenza di ciò che è diverso, e quindi a rimettere in discussione quell’idea falsa di sé, che egli ha fondato sulla cosiddetta normalità – potrebbe, in questo caso, il borghese giungere a un sentimento religioso vero?»
«No? Ogni esperienza religiosa si riduce quindi nel borghese a una esperienza morale?»
«Il moralismo è la religione (quando c’è) della borghesia?»
«Dunque il borghese… ha sostituito l’anima con la coscienza?»
«Ogni antica situazione religiosa si trasforma automaticamente in lui in un semplice caso di coscienza?»
«Allora, è la religione metafisica che si è perduta, trasformandosi in una specie di religione del comportamento?»
«Sarebbe forse, questo, il risultato dell’industrializzazione e della civiltà piccolo borghese?»
[…]
«Dunque la religione sopravvive ormai, come fatto autentico, soltanto nel mondo contadino, cioè… nel Terzo Mondo?»
[…]
«Ma il nuovo tipo di religione che allora nascerà […] non avrà nulla a che fare con questa merda (scusi la parola) che è il mondo borghese, capitalistico o socialista, in cui viviamo?» [50]
On retrouve, dans cette enquête, thèmes et motifs-clé de La religione del mio tempo: le schéma avec lequel toute expérience religieuse est réduite à un comportement, est dans Teorema illustré plus spécifiquement (la conscience qui substitue l’âme); l’exclamation «Africa! Unica mia alternativa» [51], qui dans La religione apparaît comme une fuite consolante face au présent, est maintenant une réalité, consolidée par Pasolini au cours de ses voyages parmi les peuples pas encore “contaminés” par l’Occident; pas de réaction velléitaire face à l’avancée inexorable de la bourgeoise. L’équivalence sans hésitation entre capitalisme et socialisme, est néanmoins une attaque ultérieure à la conviction – dans La religione et Il Vangelo malgré tout présente – que le peuple puisse redécouvrir son rôle dans l’histoire. La rébellion pasolinienne est en train de chercher des chemins nouveaux, de plus en plus à l’écart, solitaires.

Un autre essai, l’ «Inchiesta sulla donazione della fabbrica» [52], développe des instances précédentes dans une direction plus générale, moins “sentimentale” (par conséquent moins privée). Dans ces pages l’impossibilité d’une philosophie de l’histoire, de la prévisibilité du monde à venir, est en fonction d’une série de questions où résonne l’angoisse de l’auteur:
«Se è stato l’antico mondo contadino a prestare alla borghesia nascente – ai tempi in cui essa fondava le sue prime industrie – la volontà del possedere e del conservare, ma non il suo sentimento religioso, non è stata giusta ogni indignazione e ogni rabbia contro di essa?»
«Ma se ora questa borghesia sta mutando rivoluzionariamente la propria natura, e tende a rendere simile a sé tutta l’umanità, fino alla completa identificazione del borghese con l’uomo – quella vecchia rabbia e quella vecchia indignazione non hanno perduto ogni senso?»
«E se la borghesia – identificando a sé l’intera umanità – non ha più nessuno al di fuori di se stessa cui deferire l’incarico della propria condanna (che essa non ha mai saputo o voluto pronunciare), la sua ambiguità non è diventata finalmente tragica?»
«Tragica perché, non avendo più una lotta di classe da vincere – con qualsiasi mezzo, anche criminale, come l’idea di Nazione, di Esercito, di Chiesa confessionale ecc. – essa è rimasta sola di fronte alla necessità di sapere ciò che essa è?»
«Se essa, almeno potenzialmente, è vittoriosa – e il futuro è suo – non tocca a lei stessa, ormai (e non più alle forze della contestazione e della rivoluzione), di rispondere alle domande che la storia – che è la sua storia – le pone?»
«A QUESTE DOMANDE ESSA NON PUÒ RISPONDERE?» [53]
Si donc dans La religione le désenchantement et le découragement étaient conséquence de la faillite de la poésie civile, ici le manque de perspectives est substitué par le détachement: la dernière question est proleptique, elle contient déjà la suite dramatique de la représentation-théorème, voire le cri final. L’impossibilité de répondre à cette question cruciale montre à son tour l’impossibilité de résoudre “d’un point de vue scientifique” [54] les questions posées par l’Histoire. Qu’est-ce qu’on peut dire à cet égard? Teorema est-il le lieu d’un échec, d’un cul-de-sac? Ou bien la suspension du jugement est de toute façon soutenue par l’inimitable instinct de rébellion pasolinienne?
4. Conclusions
Selon nous c’est la rébellion qui prévaut: même si Pasolini n’a pas de “solutions” à proposer, reste toujours la valeur civile et constructive de son activité de polémiste, impliqué au moins en partie par ce “courage de dénoncer” dont l’écrivain parlera dans ses Scritti corsari [55]. La valeur de la rébellion pasolinienne, en tant que critique inflexible et systématiquement anticonformiste de la société, on peut la trouver dans son “éternelle actualité”: dans le fait de mettre constamment en pratique le recours aux forêts dans lequel Ernst Jünger voit l’essence du Rebelle – celui qui ne se limite pas à dire “non”, celui qui combat activement autant l’automatisme de la technique que sa conséquence éthique, le fatalisme, en revendiquant en même temps son rapport originel avec la liberté [56]. Même dans les œuvres où par endroits semble s’insinuer le fantôme de la capitulation, il y a toujours le désir de la lutte comme passage nécessaire pour atteindre la grandeur humaine, comme triomphe sur l’abjection et rencontre avec sa propre divine puissance [57]. Il est nécessaire de passer par le doute et la douleur, dit Jünger, et il soutient que la grande ressource du Rebelle est dans sa capacité de trouver le droit en soi-même; en outre il voit le poète comme une sorte de “rebelle naturel”, puisque sa capacité d’écouter les Muses lui permit de montrer aux hommes leur ressources plus profondes et précieuses, tout en insistant sur les trois grandes forces – la pensée, l’art et la théologie (vue comme science qui s’occupe du mystère de l’être) – qui permettent d’ouvrir une brèche dans l’inautenticité de la vie contemporaine. Ces trois forces sont également présentes dans la production pasolinienne, en particulier dans les œuvres examinées dans cet article: forces qui au-delà des issues à qui portent, des tonalités sentimentales et idéologiques de temps en temps enregistrées, contiennent toujours une étincelle de la substance originaire qui, selon Jünger, «garantit continuellement une nouvelle fertilité» [58]. D’ailleurs, n’est-ce pas «définir la mesure d’une liberté qui soit valide dans le futur en dépit du Léviathan» [59], avec lequel Jünger résume la tâche du Rebelle, l’essence profonde de tout acte de création pasolinien? La religion n’assume-t-elle pas, dans ce contexte, une fonction essentielle, avec son immense potentiel réactif – de nouveau, rebelle – au monde moderne?
En conclusion, la définition que Jünger donne du Rebelle comme d’un homme dont la résistance «est absolue, ne connaît neutralité, ni rémission, ni réclusion dans une forteresse» [60], correspond pleinement à la formule pasolinienne «gettare il mio corpo nella lotta» [61] («jeter mon corps dans la lutte»): véritable pierre angulaire, “commandement” à partir duquel le poète italien a “déduit” son agir et son être.[62]
Note
- Anzoino 2010, p. 79.
2. Voir, à ce propos, Santato 2012, p. 275. Notons, en passant, que cet écart entre histoire et vie – qui chez Gramsci et Gentile étaient identifiées – constitue, selon Roberto Esposito, le principal motif d’intérêt de l’œuvre de Pasolini pour la pensée italienne du XX siècle: pensée qui reste étranger à la problématique sujet-objet, tout comme d’autres dichotomies de la philosophie occidentale. Une pensée centrée sur la catégorie de vie (plutôt que d’existence) mais aussi de réalité, politique, corps – aussi bien que, évidemment, de mort. Il faut dire, toutefois, qu’Esposito (un philosophe) affirme pouvoir faire remonter cette fracture à l’époque de Le ceneri, tandis que Santato, et en général les critiques littéraires, sont plus portés à y voir une contradiction “en œuvre”, pas encore une blessure ouverte. Cf. Esposito 2010.
3. Tricomi 2005, p. 166.
4. Cf. Cacitti 2013.
5. Comme le soutiennent Giorgio Galli et Enzo Golino, le marxisme pasolinien est tout aussi sentimental, schématique et dichotomique (cf. Galli 2010; E. Golino 1995).
6. Cf. La Porta 2013.
7. Cf. Santato 2012, p. 281.
8. Cf. Pasolini 2009a, p. 897-899.
9. Ibid., p. 901.
10. Ibid., p. 936.[1]
11. Ibid., p. 966.
12. Ibid., p. 1052.
13. Ibid., p. 968.
14. Ibid., p. 969.
15. Sobrero 2015, p. 168. Sobrero revient sur cet argument dans un passage très précis: «Pasolini n’a pas vraiment aimé le monde paysan. Il a aimé quelque chose de diffèrent, les “millénaires de vie paysanne”, quelque chose qu’au début nous avons nommé “méta histoire”, ou histoire des innocents […]. Il a senti la nostalgie d’un monde diffèrent: mais lorsqu’il s’agissait de parler de l’histoire de vrais paysans il était beaucoup plus sévère et souvent violent» (Sobrero 2015, p. 189).
16.Pasolini 2009a, p. 970.
17. Ibid., p. 987.
18. Ibid.
19.Par cette expression on fait allusion, en Italie, aux croyants qui se limitent à aller à la messe par habitude, sans élan et sans réelle conviction. Le portrait que Pasolini fait de cette religion comme habitude, pratique aride, sans chaleur et sentiment, ne nous semble pas très loin de certaines observations qu’Emmanuel Carrère fait dans son récent Le royaume, à propos d’un «christianisme bourgeois, provincial, exempt de doutes, ce christianisme de pharmaciens et de notaires…» (Carrère 2014, p. 123). La différence c’est que Carrère – en tant qu’écrivain post moderne – le regard avec une ironie indulgente, tandis que Pasolini – en tant que marxiste enragé et indiscipliné – exerce le droit d’une critique totale et inconditionnée.
20.«La carità – questa “cosa” misteriosa e trascurata – al contrario della fede e della speranza, tanto chiuse e d’uso tanto comune, è indispensabile alla fede e alla speranza stesse. Infatti la carità è pensabile anche di per sé: la fede e la speranza sono impensabili senza la carità: e non solo impensabili, ma mostruose. […] Insomma il potere – qualunque potere – ha bisogno dell’alibi della fede e della speranza. Non ha affatto bisogno dell’alibi della carità» (Pasolini 2009b, p. 1122). Une interprétation tout à fait politique, comme on le voit.
21. Pasolini 2009a, p. 983 et 984.
22. Ibid., p. 1041.
23. Ibid., p. 1059.
24. Ibid., p. 1073.
25. Ibid., p. 1076.
26. Santato 2012, p. 383. Même Adelio Ferrero, quoique sans postuler une directe filiation avec La religione del mio tempo, inscrit Il Vangelo dans la poétique autobiographique et culturelle de Pasolini depuis Poesie a Casarsa (cf. Ferrero 2005, p. 53).
27.«[…] Immobilité (éternité) et mouvement (histoire) s’alternent, produisant un équilibre compositionnel précis» (Carnero 2010, p. 49).
28. L’un des maîtres de Pasolini, Roberto Longhi, disait que le Christ pasolinien semblait vouloir sortir de l’écran, afin de s’approcher du spectateur.
29.C’est là la formule utilisée par Dario Edoardo Viganò à propos du Christ pasolinien, pour le distinguer du Christ-beauté de Zeffirelli et du Christus patiens de Mel Gibson. Cf. Viganò 2005.
30. Pozzetto 2007, p.49-50.
31. Cf. Ferrero 2005, p. 58.
32. Serafino Murri a raison de dire que le Christ pasolinien est fondamentalement doux et violent (S. Murri 2005, p. 53). On pourrait dire aussi: paisible et belliqueux. À nouveau la contradiction.
33.«La tesi/e l’antitesi convivono con la sintesi: ecco/ la vera trinità dell’uomo né prelogico né logico,/ ma reale», lit-on dans la poésie Callas (Pasolini 2009a, p. 262).
34. Adelio Ferrero définit l’opposition entre civilisation contemporaine, corrompue et profane, et préhistoire sacré – le plus grand risque et la plus grande contradiction du poète italien.
35. Cf. Mt. 19, 13-24. Cf. aussi le scénario du Vangelo, où le faces des Pharisiens sont decrites comme «indurite dalla sconfitta», dont la méchanceté est «la cieca ferocia di chi difende le istituzioni religiose contro la Religione» (Pasolini 2001, p. 545 et passim). C’est, on le voit, la même idée que Pasolini avait dans ses poèmes de 1961, et ces sont presque les mêmes mots.
36. Ibid., p. 582 et passim.
37. Selon Serafino Murri il ouvre une nouvelle saison de la carrière cinématographique du poète, qui est plus intellectuelle et complexe (cf. Murri, 2005, p. 53)
38. De Ceccatty 2005, p. 163-164.
39. Cf. V. Fantuzzi 2013, p. 147-166.
40.«Le azioni della vita saranno solo comunicate, / e saranno esse, la poesia, / poiché, ti ripeto, non c’è altra poesia che l’azione reale» (Pasolini 2010, p. 60).
41.«[…] l’Hôte ne se donne pas: il prend, possède activement, car le sien n’est pas un geste de pitié généreuse, mais d’affirmation pleine et vitale, en tant que dieu païen et non chrétien» (Pullini 1983, p. 185).
42.«[…] l’arrivée de l’Hôte détruit la famille car il aime, et personne dans la famille ne sait ce qu’est l’amour» (Pozzetto 2007, p. 122). Il est possible d’adresser une critique à l’interprétation de Pullini (cf. note 41) en affirmant que Teorema n’est pas seulement un point de convergence esthétique ou linguistique, mais aussi thématique: dans la figure de l’Hôte convergent, comme jamais auparavant dans le cinéma pasolinien, aussi bien Eros qu’Agape, les deux racines de l’amour chez Pasolini.
43.« […] il quesito è questo: se una famiglia borghese venisse visitata da un giovane dio, Dioniso o Jehova, che cosa succederebbe?» (Pasolini, dans Pozzetto, 2007, p. 122)
44. Rohdie 1995, p. 159.
45. Cf. Bazzocchi 2007, p. 127.
46. Pasolini 2008, p. 977-978.
47. Ibid., p. 903.
48. Ibid., p. 978.
49. Voir, à cet égard, Bazzocchi 2007, p. 107-127; Pullini 1983.
50. Pasolini 2008, p. 1035-1038.
51. Pasolini 2009a, p. 1050.
52.Pasolini 2008, p. 1049-52.
53. Ibid., p. 1050-1052.
54.Il s’agit de ne pas oublier que le style de Teorema est celui d’un rapport.
55. Cf. Pasolini 2009b, p. 265-535.
56. Cf. Jünger 1990.
57. Ibid.
58. Ibid., p. 83.
59. Ibid., p. 94.
60. Ibid.
61. Pasolini 2010 p. 59.
62. À cet égard cf. Schérer 2006.
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