L’Institut Lumière va décrypter Pasolini

L’Institut Lumière va décrypter Pasolini

Une rétrospective de l’oeuvre du poète et cinéaste italien a été proposée en avril par l’institut lyonnais

[Link all’articolo originale – http://www.lyonmag.com/ – 26 marzo 2013
Programma del mese di aprile 2013 Institut Lumière, Lyon]

Pier Paolo Pasolini est l’objet d’une rétrospective à travers 9 de ces films projetés à l’Institut Lumière: Accattone, Mamma Roma, L’Évangile Selon Saint-Matthieu, Des oiseaux petits et gros, Œdipe Roi, Théorème, Les Contes de Canterbury, Les Mille et une nuits ainsi que Saló ou les 120 journées de Sodome. Ces longs-métrages, en plus de permettre de retrouver des acteurs légendaires du cinéma italien tels qu’Anna Magnani, Franco Citti et Silvana Mangano, sont considérés comme une avant-garde d’un cinéma contestataire et engagé. Le cinéaste italien Marco Tullio Giordana viendra en outre présenter Pasolini, mort d’un poète, un film qu’il lui a consacré. L’œuvre de Pasolini, présentée comme transgressive à son époque, sera abordée par ailleurs au travers de conférences, notamment le 9 avril avec celle d’Hervé Joubert-Laurencin, spécialiste de Pasolini et professeur de cinéma à l’Université de Paris Nanterre (entrée gratuite sur réservation).

Pier Paolo Pasolini (1922 – 1975) était un écrivain, poète et cinéaste italien important dans l’histoire transalpine puisqu’il a été l’un des acteurs des “Années de plomb”, marquées par de profonds changements culturels et la lutte sanglante contre la Mafia, époque dans laquelle il s’inscrivait dans une contestation par son art. Il a été sauvagement assassiné à coups de bout de bois sur une plage d’Ostie près de Rome, puis écrasé par son (ou ses) assassin(s) avec sa propre voiture, une mort brutale qui fait encore débat en Italie.

Le détail du programme de la rétrospective : http://www.institut-lumiere.org/retrospective-pasolini.html

Pier Paolo Pasolini,Œuvres d’un poète – Hommage à ce cinéaste-poète d’une insolente liberté. Ecrivain et cinéaste, intellectuel, empreint des grands récits universels – bibliques, mythiques ou profanes, il a bâti une œuvre transgressive, à la fois douce et violente, sur toutes les passions, et qui fut prompte à les déchaîner. Parcours en neuf chefs-d’œuvre à travers sa filmographie.

Soirées spéciales – Mardi 9 avril 19h30 Conférence sur Pier Paolo Pasolini par Hervé Joubert-Laurencin, spécialiste de Pasolini, professeur de cinéma à l’Université de Paris Nanterre (entrée gratuite, inscription recommandée) 21h Présentation de Accattone Vendredi 26 avril à 20h30 Invitation à Marco Tullio Giordana Le cinéaste italien (auteur de Nos meilleures années ou Les Cent pas) présentera son film Pasolini, mort d’un poète. Jeudi 11 avril à 20h30 L’Evangile selon Saint Matthieu sera présenté par Alban Liebl du service pédagogique.

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Programme

Ma 9/04 à 21h En présence de Hervé Joubert-Laurencin
Ve 12/04 à 19h – Sa 13/04 à 16h30 – Ma 16/04 à 21h

Accattone

Dans les faubourgs de Rome, Accattone, souteneur de son état, vient de perdre Maddalena, celle qui pour lui, se livrait à la prostitution.  Stella, sa nouvelle recrue, va bouleverser sa vie… Accattone est le premier film de Pasolini.
Déjà célèbre grâce à certains de ses romans, il commence en 1960 la rédaction du scénario, après avoir collaboré depuis 1954 aux dialogues des Nuits de Cabiria et à l’élaboration d’une scène de La Dolce Vita. Avec Accattone, il se lance dans l’aventure du cinéma, sans la moindre expérience.
La production du film fut houleuse: Fellini monte sa propre maison de production et promet à Pasolini de produire son film. Mais Fellini se désiste. Pasolini abandonne alors un moment, retrouvant la littérature.
C’est Mauro Bolognini et Alfredo Bini qui permettent au tournage d’Accattone de commencer, en mars 1961, laissant la plus grande liberté à Pasolini.
Pasolini (Entretiens avec Jean Duflot, Gutenberg): «Je ne savais rien du cinéma. J’étais donc contraint d’inventer une technique, qui ne pouvait être que la plus simple, la plus élémentaire possible. Stylistiquement, la simplicité s’est muée en sévérité, l’élémentaire est devenu absolu. C’est ce que je recherchais quand je transposais, au cinéma, le modèle figuratif de Masaccio.»

Accattone, Italie, 1961, 2h, N&B, avec Franco Citti, Franca Pasut, Roberto Scaringella, Silvana Corsini, Adriana Asti, Elsa Morante

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Me 27/03 à 17h et 21h15 – Je 28/03 à 19h – Ve 29/03 à 14h30

Mamma Roma

Mamma Roma, prostituée vieillissante, abandonne son métier et décide de récupérer son fils, Ettore, qu’elle avait laissé en pension pendant 16 ans, afin de reprendre une vie stable.  Son principal souci est alors d’insérer son fils sans instruction dans une société plus conventionnelle…
Mamma Roma ne sortit en France qu’en 1976 (Pasolini venait d’être assassiné).  Dès les premiers plans, les distances prises avec le néoréalisme sautent aux yeux.  Les références visuelles avant tout picturales, la musique sublime de Vivaldi, la fétichisation du réel, rendent cette œuvre absolument unique au sein du nouveau cinéma des années 1960.  S’il devait rester un rôle de la Magnani, ce serait sans doute celui-là, celui d’une héroïne tragique menant un combat perdu contre un monde qui ne pardonne rien aux marginaux.

Mamma Roma, Italie, 1962, 1h50, N&B, avec Anna Magnani, Ettore Garofolo, Franco Citti, Silvana Corsini

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Je 11/04 à 20h30 Présenté par Alban Liebl – Ve 12/04 à 16h30 – Di 14/04 à 14h30

L’Evangile selon Saint Matthieu

Un ange vient annoncer à Joseph que sa femme Marie attend le fils de Dieu: Jésus. Jésus s’approche de Jean-Baptiste près du Jourdain et est fait Christ. Il se retire ensuite dans le désert puis s’en va prêcher la bonne parole entouré de quelques disciples… L’un des plus beaux films réalisés sur le Nouveau Testament. Pier Paolo Pasolini (Entretiens avec Jean Duflot, Gutenberg): «Bien que ma vision du monde soit religieuse, je ne crois pas à la divinité du Christ. Si l’on y regarde de plus près, je n’ai nullement fait là une reconstitution conforme à l’imagerie que la plupart des chrétiens s’en font. J’ai fait un film où s’expose, à travers un personnage, toute ma nostalgie du mythique, de l’épique et du sacré. Mathieu est le plus révolutionnaire de tous les évangélistes, parce qu’il est le plus “réaliste”, le plus proche de la réalité terrienne du monde où le Christ apparaît.»

Il Vangelo secondo Matteo, Italie, 1964, 2h17, N&B, avec Enrique Irazoqui, Margherita Caruso, Susanna Pasolini

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Je 18/04 à 17h – Ve 19/04 à 19h – Ma 23/04 à 21h

Des oiseaux petits et gros

Un corbeau qui parle tente d’initier deux voyageurs, un père et son fils, aux choses de la vie. Devant leur ignorance, il leur raconte une histoire authentique qui, dit-il, traite d’oiseaux, petits et gros, bons et méchants, et les transforme en moineau et moinillon… Après les drames de Accattone et de Mamma Roma, Pasolini entreprend une fable, une satire joyeuse de la société. Dialogues et situations burlesques et surréalistes donnent à ce film une douce saveur. Togliatti, fondateur du parti communiste italien, meurt un an avant le tournage du film, ce qui eut sans doute une certaine influence sur le ton. On retrouve d’ailleurs dans le film une scène représentant son enterrement au son d’un chant révolutionnaire russe. Le corbeau représente donc un communiste radical, un conteur moraliste. Il prévient nos deux marcheurs, Toto et Ninetto, des risques qui les menacent de ne pas être attentif à la lutte des classes, mais ceux-ci finissent tout de même par le manger. L’Idéologie immolée sera-t-elle comme le phénix pour nous guider sur la route de la modernité? Le langage se place au centre de la relation qui unit humains et oiseaux, révélant toute la place qui lui est donné par Pasolini dans son cinéma : un corbeau qui parle italien, des hommes qui apprennent le langage oiseau…

Uccellacci e uccellini, Italie, 1966, 1h40, N&B, avec Toto, Ninetto Davoli, Femi Benussi, Rossana Di Rocco

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Me 3/04 à 21h15 – Je 4/04 à 17h – Ve 5/04 à 17h

Œdipe Roi

Un enfant naît, d’une mère douce et aimante et d’un père jaloux de l’amour qu’elle porte à l’enfant.
Abandonné dans le désert au bout d’une branche, l’enfant est recueilli par un berger qui l’apporte au roi de Corinthe et à la reine. Ils l’adoptent. Adulte, Œdipe fait un rêve étrange qu’il tente de comprendre grâce à l’Oracle de Delphes…
Inspiré à la fois de Œdipe Roi et de Œdipe à Colone de Sophocle, cette œuvre majeure dans la filmographie de Pier Paolo Pasolini puise son originalité dans sa construction narrative en trois parties, faisant passer Œdipe des années 20 à l’Antiquité puis aux années 60.
A travers le mythe, Pasolini parle de lui, de son histoire, de ses passions, de la figure du père, d’homosexualité, dessinant un autoportrait intime.

Edipo Re, Italie, 1967, 1h44, couleur, avec Franco Citti, Silvana Mangano, Alida Valli, Carmelo Bene, Julian Beck, Ninetto Davoli

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Je 25/04 à 17h – Sa 27/04 à 18h30 – Di 28/04 à 14h30 – Ma 30/04 à 21h

Théorème

Un riche industriel reçoit un télégramme dans sa riche demeure familiale: “J’arrive demain…”. Le visiteur arrive et va, au cours de son séjour, faire l’amour avec chacun des membres de la famille… Sexe et spiritualité. Dans ce film adapté de son propre roman publié peu avant, Pasolini pose les jalons d’un questionnement sur la foi et le jaillissement des passions avec cette visite d’un ange perturbateur au sein d’une famille bourgeoise. Terence Stamp est un catalyseur qui fait se révéler les êtres à eux-mêmes et Pasolini continue d’être, lui aussi, un ange provocateur. Le film provoqua une vive polémique, déclenchant à la fois protestations et applaudissements. Jean Renoir fut l’un des défenseurs du film: «Ce qui scandalise, ce n’est pas l’obscénité, totalement absente. Le scandale, c’est plutôt la sincérité.»

Teorema, Italie, 1968, 1h45, couleur et N&B, avec Silvana Mangano, Terence Stamp, Massimo Girotti, Anne Wiazemsky, Laura Betti

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Me 17/04 à 21h – Sa 20/04 à 18h15 – Di 21/04 à 16h15

Les Contes de Canterbury

Dans l’Angleterre moyenâgeuse, un écrivain assiste au récit d’histoires drôles et érotiques racontées dans une auberge par des pèlerins venus en foule à la cathédrale de Canterbury.  Il se réjouit de ce qu’il voit et entend, prend des notes et laisse aller son imagination…
L’adaptation de huit contes issus des Contes de Canterbury de l’écrivain anglais Geoffrey Chaucer (1343-1400) forme le second volet, moyenâgeux, de “La Trilogie de la vie”, après Le Décameron. Le critique Jean-Louis Bory dans Le Nouvel observateur à la sortie du film en 1972: «Hymne à la vie, à la jeunesse, à l’amour.  Pasolini prend la croix, lève la bannière pour exalter les joies du corps, la vie de la chair jusque dans – et surtout dans – ses activités réputées les plus honteuses.  La grossièreté s’y mêle d’une féérie, d’une magie propre au conte, et qui sont la déformation populaire du “merveilleux”.» Le film reçut l’Ours d’or à Berlin en 1972.

I Racconti di Canterbury, Italie, 1974, 2h05, couleur, avec Hugh Griffith, Laura Betti, Ninetto Davoli, Franco Citti, Josephine Chaplin, Alan Webb, Pier Paolo Pasolini

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Ve 19/04 à 21h – Di 28/04 à 18h30 – Ma 30/04 à 16h30

Les Mille et une nuits

Une série de péripéties amoureuses, entre rêve et réalité adaptés des célèbres récits. La trame des quinze histoires dont se compose le film, suit les aventures du jeune Nur-Ed-Din qui cherche sa compagne Zumurrud dont il se trouve cruellement séparé… Dernier volet de La Trilogie de la vie, après Le Decameron et Les Contes de Canterbury, Les Mille et une nuits s’offre comme la pleine expression de la liberté créatrice de son auteur. Le cinéaste Jean-Paul Civeyrac (Transfuge): «La représentation du sexe et de l’amour dans Les Mille et une nuits reste un cas isolé dans le cinéma, et elle est un acte politique en soi, par sa volonté de montrer un monde émancipé de la Faute mais aussi de l’univers de la consommation. Pasolini a une façon unique, bouleversante et jamais obscène de filmer les êtres, les corps qui s’étreignent, avec une sorte de théâtralité ludique, joyeuse, solaire et vraie.»

Il Fiore delle Mille e una notte, Italie, 1974, 2h12, avec Ninetto Davoli, Franco Citti, Franco Merli, Tessa Bouché

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Me 3/04 à 17h – Sa 6/04 à 20h45 – Di 7/04 à 19h – Me 10/04 à 21h

Saló ou les 120 journées de Sodome

Au temps de la république fasciste de Salò, dans un grand château italien, les détenteurs du pouvoir s’acharnent sur un groupe de jeune gens soumis à une série de sévices de plus en plus humiliants, de plus en plus cruels, de plus en plus macabres… Dernier film réalisé par Pier Paolo Pasolini, Salò ou les 120 journées de Sodome est sans aucun doute l’un des films les plus polémiques de l’histoire du cinéma, aux côtés de La Grande bouffe de Marco Ferreri et du Voyeur de Michael Powell. Adapté des écrits du Marquis de Sade, que Pasolini transpose au cœur de la république fasciste proclamée par Mussolini, cette œuvre choc et sulfureuse pousse à son paroxysme la cruauté humaine dans une mise en scène glacée et sans concession. Un chef-d’œuvre du cinéma italien, présenté dans sa version intégrale.

Salò o le 120 giornate di Sodoma, Italie, 1975, 1h56, couleur, avec Paolo Bonacelli, Giorgio Cataldi, Umberto P. Quintavalle, Aldo Valletti, Caterina Boratto

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Autour de Pasolini Ve 26/04 à 20h30
En présence de Marco Tullio Giordana

Pasolini, mort d’un poète, de Marco Tullio Giordana

Dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975 à Ostie, les carabinieri coincent un petit malfrat, Pino Pelosi, au volant d’une voiture volée, celle de Pier Paolo Pasolini, qu’on découvre sans vie sur un terrain vague. Le meurtre est-il lié à une affaire sexuelle, ou cache-t-il une dimension politique? Vingt ans après ce meurtre, Marco Tullio Giordana évoque l’enquête, et à travers elle, ausculte la société italienne. Le réalisateur s’intéresse aussi à la figure de l’intellectuel que représentait Pasolini et à la place qu’il tenait dans la société.

Pasolini, un delitto italiano, It/Fr, 1995, 1h40, couleur, avec Carlo De Filippi, Nicoletta Braschi, Toni Bertorelli